Je ne sais pas prier, je ne sais que dire

Plus je grandis, plus la prière récitée peine à s’imposer de façon naturelle, comme avant ! Sans doute parce que je mêle la croyance à la raison, sans doute parce que les doutes que je n’avais pas quand je n’étais qu’une enfant se révèlent aujourd’hui comme une évidence. De nombreuses raisons m’empêchent de passer sans penser à la raison pour laquelle je prie.
Je me souviens des années où je croyais que si je ne faisais pas le bien que l’église nous intimait à faire, j’irais tout droit en enfer. J’avais peur, mais j’ignorais si c’était la peur du mal ou la peur que Dieu me punisse et me fasse du mal ! J’avais peur de l’enfer, ce qui me tenait à l’écart du péché que je ne trouvais parfois pas si mal. Voler du sucre, de la désobéissance parce que je suis fatiguée, voilà quelques exemples ! L’humilité de l’enfance a facilité l’acceptation que les autres savaient mieux que moi et qu’il valait mieux les suivre que de contester leurs actes qui étaient davantage des actes de foi.
La piété à la maison était de rigueur, les messes dominicales étaient une évidence, celles en semaine étaient un Rendez-vous familiale. J’étais un enfant de Dieu, je ne connaissais que ce monde, je postulais pour le Ciel, je m’appliquais assidument. Ceux qui ne faisaient pas comme moi étaient dans l’erreur et moi dans le droit chemin !

Chemin faisant, l’enfance et l’adolescence évanouies, je devais être un adulte. La vie avait décidé de me faire entrer dans un monde différent de celui que j’avais connu. Celui de l’Occident. En France, la religion ne renseigne ni sur la valeur ni sur la voie à suivre. Si certaines valeurs religieuses sont appréciées, tant de braves gens peuvent les avoir sans l’Église. Tant de croyances ont été évaluées et remises en question. De la religion à la sexualité, de la sexualité à la sensibilité. Rien à voir avec tout ce que j’ai connu auparavant.
Je me sentais défaillir, saisie par un vertige de cette liberté toute nouvelle où l’on peut devenir tout y compris ce que je croyais être tabou ou simplement impossible d’être. Ma vérité n’était pas la leur, ma croyance n’était pas leur croyance et ce pour quoi je me battais, était ce qu’ils vomissaient ! Je me croyais chez les fous et cela me rendait folle d’inquiétude ! Comment allions-nous cohabiter ? Pour cohabiter, il faut s’apprivoiser au minimum, pour s’apprivoiser il faut ouvrir son cœur, pour ouvrir son cœur il faut reconnaître à l’autre sa singularité ! Si ce que je crois être un péché est leur vérité. Comment puis-je les laisser demeurer dans le faux ? Si ce qu’ils refusent est ce en quoi je crois, comment peuvent-ils me convaincre qu’ils me comprennent ? Des questions longtemps restées sans réponse.

Les années se sont passées, les certitudes ont continué à vaciller et malgré cela, le cœur est resté sur une seule certitude. “Aussi longtemps que les hommes ne sauront pas tout, Dieu restera maître de mon existence.” Ce n’est pas parce qu’il est décrié ou parce qu’il ne se voit pas qu’il n’existe pas. C’est précisément parce qu’il existe, qu’il est grand, que c’est lui le créateur. Notre incapacité à nous élever jusqu’à démontrer ou non son existence ne fait que renforcer sa Grandeur et notre petitesse ! Une créature ne peut dominer son créateur ni le comprendre tout à fait ! J’allais donc à la messe sans la flamme du début, mais avec la ferme conviction que ce n’était pas en vain.
Lorsque j’étais encore dans la maison parentale, je ne pouvais manquer la messe pour rien au monde. Ici, c’est différent. Mon rapport avec l’église s’est affaibli sans pour autant s’éteindre. Ma foi, en Dieu, demeure sans toutefois rester la même. J’ai appris à rendre mes convictions religieuses très personnelles et à admettre que ma vérité n’est pas celle du prochain. J’ai appris que mon rôle n’est pas d’imposer le bien ou le mal, mais de vivre ce que je pense être le bien. Suis-je dans l’erreur ? Peut-être. Suis-je dans le vrai peut-être ! Je ne dissimule pas ma foi, tant s’en faut, mais je ne l’expose pas non plus. Parfois, je doute, parfois j’exulte. Parfois, je me sens en communion avec Dieu, d’autrefois c’est l’abime. La vie est ainsi. Ainsi je vis ma vie.

Bien que je me recueille très souvent, j’admets de bon cœur que je ne prie plus comme avant ni dans l’intention ni dans la manière ! Je ne sais pas prier, je ne sais que dire.

Igihe kimwe Yezu yari ahantu asenga.Arangije umwe mu bigishwa be aramubwira ati: “Nyagasani, Yohani Mubatiza yigishije abigishwa be gusenga, natwe twigishe gusenga.” (Luc 11,1)

Écrit par Aliane UMUTONIWASE

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