Voyage : Les Gorges du Verdon

Certains voyages sont excitants en raison de leur légèreté, d’autres sont excitants en raison de ce qu’ils dévoilent sur nous . Pas plus tard qu’hier, je peignais ma passionnante aventure dans les montagnes de Saint Dalmas le Selvage. Je me suis souvenu à quel point c’était une aventure avec un accès facile à la beauté, une randonnée sans l’ombre d’un risque et un émerveillement sans nuages.
Dans les Gorges du Verdon, ce fut une expérience différente, cette fois-ci je devais faire face à mes peurs les plus rationnelles mais aussi irrationnelles. Le bonheur ne s’est pas offert à moi comme à Saint Dalmas le Selvage , cette fois-ci il fallait aller le chercher. 

Pendant ce voyage la crainte de mourir s’alternait avec l’émerveillement de la beauté du paysage ! Je me sentais proche du danger, proche de tout ce qui s’apparente à la finitude mais également proche de la beauté, de la nature et de la vie. Dans les gorges du Verdon, j’ai exploré mes peurs, j’ai mesuré mon amour pour la vie, j’ai explosé mon quota des pensées testamentaires, j’ai voulu léguer ce que je n’avais pas, j’ai voulu distribuer mes derniers je t’aime, C’est fou ce que la peur d’une mort imminente peut faire dire aux pauvres mortels ! Tout à coup, plus rien n’a de sens, on ne peut plus rien faire donc on prie et quand on ne prie pas on visualise la chute !

Du rêve au voyage

Mon rêve commence par quelques jolies photos des lieux envoyées par mon amie Amandine, l’idée de voyager me plaît bien, cela fait un moment que j’y ai pris goût. J’en ai déjà parlé dans mes précédents articles (catégories Carnet de voyage). 

Ensemble, nous décidons d’y aller, convaincues de vivre une magnifique expérience, il me tarder d’y être. Je quitte Bordeaux pour Nice, et puis Nice pour les Gorges. Plus on avance en voiture, plus le paysage devient magnifique et plus les routes droites se muent en virages après virages. Je flippe un peu, mais je garde mon calme pour ne pas alarmer Amandine. Je mets de la musique, je m’efforce de ne pas regarder en bas et je prie pour que l’on arrive à destination.

Ce voyage me semble interminable, mais je tiens le coup, on arrive à la route touristique de d’Aiguines, nous descendons de la voiture pour contempler des panoramas somptueux. On repart de plus belle, nous arrivons à destination ! Je souffle un grand coup et ça y est le rêve peut disparaître pour laisser place à sa réalisation.  nous laissons la voiture dans le parking de l’hôtel des cavaliers, le sentier de l’imbut est à nous!

Nous prenons le strict minimum, je n’ai même pas pris le sandwich pour midi, heureusement qu’Amandine a pensé à tout. Nous lisons une pancarte qui classe notre randonnée dans la catégorie de difficile. Nous sommes seules du moins pour le moment, le réseau internet disparaît aussitôt de nos téléphones, donc nous sommes coupés du monde et nous nous apprêtons à l’explorer sans le dérangement des humains ! 

La descente 

Nous suivons le sentier balisé dans les bois, nous glissons à la descente je panique un peu. Je prends note de ma dépendance au téléphone portable. Être joignable me sécurise et me rassure ! Et si quelque chose venait de m’arriver ? Je préfère n’est pas y penser, mais à chaque caillou qui bouge, je glisse et à chaque glissade mon cerveau se met à m’inventer les dangers ! Je ne profite pas de ma randonnée, je suis tétanisée, quelle angoisse ! 

Nous continuons notre descente, je ne sais pas le temps qui nous reste pour atteindre la magnificence, je ne suis pas fatigué, puisque nous descendons, mais mon cerveau là encore vient d’imaginer le pire, plus nous descendons à l’aller, plus le retour sera très difficile ! Là encore, je ne préfère pas y penser, mais j’y pense quand même ! 

Le repos 

Après 3/4 d’heure, j’entrevois les majestueux bords du Verdon, je n’ai jamais vu de tel si ce n’est sur les cartes postales, je m’empresse de prendre mon appareil, je prends de belles photos, c’est magnifique, c’est rafraîchissant, j’ai envie de rester là, de ne plus penser ! L’émerveillement est total ! 

Amandine me chuchote que la fête vient à peine de commencer, elle a raison, car au loin, je vois un pont magnifique. 

On marche vers le pont, on continue d’enrichir nos appareils photo. Arrive un temps de repos, on se pose au bord de la rivière, nous n’avons pas besoin de parler beaucoup, c’est qu’on appelle le paysage à couper le souffle, on mange nos sandwichs tranquillement, religieusement puis on s’allonge dans les graviers, Amandine bronze, moi, je le suis de naissance. Une fois bien reposées, nous entreprenons le chemin du retour. 

Mesdames et messieurs, je vous présente les Gorges du Verdon, la nature sauvage, la beauté singulière, les eaux verts, bleuâtre, les pierres multiformes et la promesse d’une aventure unique pour ceux qui n’ont jamais côtoyé le danger ! 

La montée 

Je sais qu’il va falloir monter, mais pour l’instant tout est calme, nous rongeons les balises, nous sautons les pierres et puis je vois une croix puis une autre avec ces deux inscriptions : « À Denis D’Andria décédé en ce lieux à l’âge de 30 ans” ensuite “2004. Nathan. 2018

J’ai toujours pensé que ce qui nous émeut dans les morts à fleurs de l’âge, était la projection réelle de notre propre mort ! Le fait de nous sentir non seulement mortels, mais aussi possiblement mourants sans le savoir. Je me sens plus proche de Denis 30 ans et de Nathan 14 ans, car je mets les pieds où la mort est venue les chercher ! J’ai peur et le reste du voyage est crainte ! Je jure que si je m’en sors vivante, je ne titillerais plus jamais la mort. Je le jure à de nombreuses reprises.

C’est l’heure de monter, avec Amandine on ne se parle presque plus, tantôt je la suis, tantôt elle me suit, chacune s’occupe de sa propre survie, ce n’est plus une randonnée pour moi, c’est une mise en jeu de ma propre vie ! J’imagine les gros titres de journaux pour annoncer la catastrophe, deux jeunes femmes qui ont eu la mauvaise idée de partir en randonnée, seules, sans secours, rien ! Je m’accroche à la vie ou plutôt aux pierres, je ne m’autorise pas à regarder en bas par peur de me retrouver des vertiges que je ne me connaissais pas. Je marche minutieusement, je distingue tous les bruits, mes yeux se consacrent à mon activité. Plus rien ne compte si ce n’est ma vie, ma seule vie et de temps en temps celle d’Amandine ! 

Une heure passe, à 1 h 30 je commence à croire au possible demain et lendemain. Je ne m’affole pas, je continue de monter, je traine avec moi ma peur, je pense à la mort ce qui me fait penser à la vie ! 

Je continue de monter, ce n’est pas 2 h qui passe, c’est une éternité, ce n’est pas le temps qui défile, mais l’offrande de ma vie, un suicide non voulu, je me découvre un amour démesuré du drame ! 

C’est bientôt la fin, c’est la dernière marche, Amandine est derrière moi, j’entends ses pas, je l’attends ! Une fois réunies, nous crions le cri de la vie ! Nous venons d’accoucher nos propres vies, nous venons de renaître, désormais il y’aura l’ALIANE d’avant ce voyage et le moi d’après. Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce voyage ! 

Je ne vanterai pas le bonheur de l’instant, mais l’énergie du désespoir ! Je ne dirai pas que j’en sors aventurière, mais vivante ! Je dirai que certains voyages nous aident à connaître nos peurs, à savoir combien on tient à la vie ! 
En sortant des gorges du Verdon, je me suis faite avocate de la prudence, ma vision et mon expérience étaient vêtues de peur. Aujourd’hui, tout compte fait, c’est l’une des meilleures expériences que j’ai vécues. Je n’ai pas ressenti la joie explosive ni le bonheur au moment des faits, mais aujourd’hui je ressens la joie continue, la fierté d’une aventurière et le bonheur immense de l’avoir fait ! 

Le bonheur n’a pas que le présent pour seule source, le passé héroïque et triomphal a son propre charme ! Les gorges du Verdon m’ont fait frissonner de peur et m’ont laissé rayonner de vie ! 

Si je devais renouveler l’expérience, je le ferais, non pas pour défier la mort, mais pour me fier à la vie et me confier à l’amour de Dieu ! 

Ecrit par Aliane UMUTONIWASE

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.